1986

Le BRGM et le tunnel sous la Manche

En charge du projet de tunnel sous la Manche, Bouygues sollicite le BRGM pour les études géologiques et géotechniques du tunnel. Les équipes du BRGM ont alors un rôle déterminant : ils doivent réaliser des plans de coupe détaillés à l’échelle du projet de construction.

Déplacement d'une plateforme de travail lors des travaux du tunnel sous la Manche, entre Douvres et Calais (Pas-de-Calais, 1986).
Déplacement d'une plateforme de travail lors des travaux du tunnel sous la Manche, entre Douvres et Calais (Pas-de-Calais, 1986). © BRGM - Gilles Demangeon

Au milieu des années 1980, la capacité du BRGM à prendre en charge les études géologiques et géotechniques des grands projets est reconnue. En 1986, il est sollicité par Bouygues, partenaire moteur du projet du tunnel sous la Manche, dans la phase de concours du projet qui, finalement, lui confie l’ensemble des études géologiques et géotechniques du tunnel.

Le rôle du BRGM est déterminant dans la définition, le suivi et l’interprétation des reconnaissances réalisées en 1986-1987 pour passer d’une carte géologique générale à des plans de coupe détaillés à l’échelle du projet de construction. Pour réaliser cette mission, le BRGM rassemble une équipe pluridisciplinaire dont les compétences couvrent la géologie marine, la sédimentologie, la micropaléontologie. Les géophysiciens sont sollicités pour réaliser les diagraphies dans les sondages en mer et pour l’interprétation des 1 500 km de profils sismiques réalisés en Manche. L’équipe géotechnique effectue les mesures de perméabilité dans les forages en mer et assure la direction des études et la relation avec l’équipe de projet des entreprises de construction.

Extrait de la carte géologique de France à l'échelle 1/1 000 000. © BRGM
Extrait de la carte géologique de France à l'échelle 1/1 000 000.

Les travaux confirment la justesse des coupes fournies par le BRGM

La grande performance du BRGM est la mise en œuvre, pour la première fois au monde dans un projet de génie civil, des méthodes géostatistiques d’interpolation entre les points où l’information est connue, en l’occurrence les 50 000 points de mesures des levers géophysiques. Cette analyse permet de définir les limites des différentes couches géologiques à 2 m près sur la distance totale du projet du tunnel soit 50 km. Les travaux confirment la justesse des coupes fournies par le BRGM avec une erreur moyenne de 0,70 m et une erreur maximale ne dépassant pas 5 m sur la position du contact entre la craie bleue, formation dans laquelle sont percés les tunnels, et les argiles du Gault sous-jacentes qu’il ne faut surtout pas toucher.

Une histoire de fossile

Pour la petite histoire, les géologues se servent de fossiles microscopiques pour calibrer leurs forages. Cela a servi pour guider les travaux de creusement du tunnel sous la Manche. Le niveau choisi était la craie bleue du Cénomanien car globalement imperméable du fait de sa richesse en argile (25%). La craie grise située juste au-dessus n’en contient que 10%. Le problème est que le passage d’une craie à l’autre n’est pas bien visible d’un simple coup d’œil. Le BRGM a donc choisi un foraminifère planctonique mesurant quelques centaines de micromètres, Rotalipora reicheli, pour déterminer le sommet de la craie bleue. Possédant une courte durée de vie et étant présent dans tout le détroit du Pas-de-Calais, il a représenté le marqueur idéal. C’est donc grâce à cette espèce microscopique fossile que le tunnel sous la Manche a été creusé au bon endroit.

L'espèce microscopique fossile "Rotalipora reicheli" (0,5 mm de diamètre).
L'espèce microscopique fossile "Rotalipora reicheli" (0,5 mm de diamètre).
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