La géologie et le voyage de la Pérouse
C’est grâce à André Noesmoen et à la géologie que nous savons aujourd’hui que l’expédition de la Pérouse en 1785 fut une réussite. Ingénieur géologue recruté par le BUMIFOM en 1950, André Noesmoen a, pendant 40 ans, exercé son métier dans une multitude de pays. Il nous raconte cette incroyable histoire. Retour sur un voyage vieux de plus de 200 ans.
« En 1785, sur ordre de Louis XVI, La Pérouse entreprend un voyage d'exploration dans le Pacifique. Après un périple le long de côtes américaines et dans diverses îles, il arrive, en 1788, en Australie, à Botany Bay, près de Sydney. C'est là qu'il confie à un capitaine anglais son dernier message rendant compte de sa mission. Parti ensuite reconnaître la côte ouest de la Nouvelle-Calédonie, il disparaît sans laisser de trace. Des recherches sont effectuées, sans succès, par Bruny d’Entrecasteaux, notamment en Nouvelle-Calédonie où il reste une trace de son passage près de Balade (monument sur terre et tombe en mer d'un de ses capitaines, Huon de Kermadec). Creusée sans doute sur un îlot de sable, la tombe que j’ai observée sous l'eau, en 1958, est recouverte d’une dalle en marbre. C’est seulement vers 1826 que la disparition de La Pérouse a été expliquée : lors d’une tempête, ses deux navires, l’Astrolabe et la Boussole, ont été jetés sur le récif de Vanikoro, l’une des îles Salomon. Vers 1950, les deux épaves ont été finalement localisées. Des plongées ont permis de ramasser des restes (ancres…), des objets personnels et des échantillons recueillis au cours de la mission, principalement des cailloux.
Une question s’est posée : avant son naufrage, La Pérouse a-t-il rempli sa dernière mission, la reconnaissance de la côte ouest de la Nouvelle-Calédonie ? Des haches en jadéite ont bien été signalées dans les objets récoltés, mais elles ont disparu à Port-Vila, et un doute subsiste. En 1966, j’ai été contacté par l’amiral de Brossard qui dirigeait alors le service historique de la Marine. Il avait écrit plusieurs livres sur l’histoire de la Polynésie et sur La Pérouse. Je l’avais connu quelques années auparavant lorsqu’il était en poste en Nouvelle-Calédonie.
Il m’a confié une série de cailloux recueillis lors de plongées sur le site des épaves de Vanikoro, en me demandant de voir s’ils pouvaient provenir d’une zone précise de Nouvelle-Calédonie. Il s’agissait de schistes voisins de ceux que j’avais observés dans le nord de l’île. Je les ai fait parvenir à Jean-Jacques Espirat qui était encore à Nouméa et qui, à l’occasion de sa thèse, étudiait plus particulièrement les formations du nord de l’île. Il a identifié des schistes à pumpellyite typiques, présents en bord de mer, notamment vers la baie de Népoui.
Grâce à la géologie, il est donc certain que La Pérouse a bien touché la Nouvelle-Calédonie, très probablement sur la côte ouest comme le prévoyait sa mission. »