Le BRGM et l’analyse de l’échantillon lunaire
Grâce à ses équipements technologiques de pointe, le BRGM a eu, en 1972, le privilège d’analyser un échantillon de roche provenant de la Lune. Pour Claude Lafoy, cette expérience sera marquée à jamais dans sa mémoire. Il nous raconte.
« Après l’exploration de la Lune par les Nord-Américains, le laboratoire du BRGM est sélectionné parmi d’autres organismes mondiaux pour participer à l’étude des composants de certains échantillons lunaires. À l’annonce de cette nouvelle, une grande fébrilité s’empare du personnel. Fini le ronron habituel, il faut montrer aux Nord-Américains ce dont nous sommes capables. Une salle "blanche", exempte de toute poussière, est installée : il est impossible de pénétrer dans ce local sans être équipé de blouse, de masque et de bonnet blanc. Dès la remise des échantillons par le Muséum national d’Histoire naturelle, l’ambiance dans les couloirs devient feutrée ; de temps en temps, l’un de ces fantômes blancs passe rapidement, emportant avec lui tous les secrets de la composition lunaire. Parmi les échantillons figure une "lame mince" préparée par les Nord-Américains, correspondant à un fragment de roche lunaire collé sur une petite plaque de verre et soigneusement raboté par des meules diamantées. L’objectif est d’en réduire l’épaisseur jusqu’à ce que la lumière passe au travers, cela afin de rendre possible l’observation au microscope des différents minéraux présents. Après avoir étudié et décrit cette lame grâce à un analyseur d’images, d’éminents minéralogistes de l’étage supérieur doivent quantifier les différents minéraux qu’elle contient. Avant d’attaquer directement l’étude de ce précieux échantillon, qui tous les soirs est religieusement rangé dans un coffre-fort, d’innombrables essais sont effectués à blanc. Il est maintenant temps de passer à l’étude proprement dite !
Le cœur battant, j’appuie sur le bouton “ON” de l’analyseur
Le jour J, la direction du Bureau est présente. Il fait une température caniculaire, cependant il est difficile de savoir si la transpiration est due à la chaleur ou à l’angoisse générale. Après les derniers tests, j’installe avec beaucoup de précautions cette précieuse lame mince. Le cœur battant j’appuie sur le bouton ON de l’analyseur dont un bruit inhabituel se fait entendre dès la descente de l’objectif. Malgré ma réaction pour freiner sa progression, celui-ci continue sa course, pour s’écraser sur la lame ! Durant quelques secondes, le silence est complet quand l’un des patrons présents lâche un retentissant "bien joué" avant de prendre la porte à grandes enjambées. Tétanisé, j’ai l’impression que mon sang est en train de se cristalliser. Je me vois déjà viré, obligé d’aller faire la plonge chez Clo-clo la Frite, baraque renommée pour sa restauration rapide implantée sur le parking de la gare des Aubrais. Heureusement il n’en est rien. Après maintes explications sur l’origine de cet incident, il est convenu que la température est à l’origine de ce désastre. Reste à rendre compte de l’incident à Madame la responsable du musée qui, d’une voix chevrotante, nous demande régulièrement des nouvelles de son échantillon. La chose n’étant pas aisée à avouer, tout le monde s’éparpille à chacune de ses visites. Après plusieurs mois de savantes esquives, il faut pourtant bien lui avouer la vérité. Heureusement, seule la bordure de la lame a été endommagée. Elle sera ensuite savamment rafistolée et étudiée. Allez donc savoir pourquoi, chaque fois que je mange des frites, je pense à la Lune… »